lundi 20 mars 2017

Barrage de Vorbourg (Delémont - Soyhière, Jura)

Comme vous le savez depuis bien longtemps: j’analyse et scrute systématiquement le programme des journées du Patrimoines Suisse dès sa mise en ligne. C’est toujours l’occasion et prétexte à découvrir des lieux plus ou moins insolites!


Pour 2016, ça n’était pas gagné avec cette thématique «Oasis des Villes, Oasis des champs » simplement trop éloignée de la fortification, rien de très intéressant ne ressortait de ce programme 2016. Mais c’était sans compter l’apparition sous mes yeux d’un flyer invitant le quidam à rejoindre les Fortins du Colliard à ces mêmes dates, l’Association Patrimoine Militaire Bridage Frontière 3 (l'APMBF3) ouvrant leur porte à cette occasion. N’aurais-je pas été assez attentif au programme au point de rater le RDV ? Presque, puisque cette ouverture ne faisait pas officiellement parti du programme des journées du Patrimoine.  C’est donc dans la joie et la bonne humeur que nous sommes parti direction Delémont, sans avoir vraiment demandé préalablement si quelques prises d’images étaient permises, cette épée de Damoclès nous aura donc survolée durant l’ensemble du trajet!




Vorbourg, c’est quoi ?
Minéralogiquement parlant : Une Barre rocheuse s’étant du Nord de Delémont au nord de Courroux. Cette barre longe de 5km se voit, en son centre, transpercée par la Birse. L’humain, quand à lui, aura tout simplement  construit des voies de communication (route et rail)  longeant cette rivière au travers de ce passage naturel ne dépassant guère les 80m de large.

Cette barre rocheuse se verra habitée très rapidement puisqu’on retrouve des traces de présence humaine dès la préhistoire dans le secteur du Roc de Courroux, le segment Est de cette barre rocheuse



Mais c’est dès le XIIème siècle que le Vorbourg, segment ouest de la barre rocheuse, fera parler de lui. On cite des témoignages de chevaliers de Telsberg en 1132, en 1234 c’est sur un acte que l’on va citer les  Châteaux Supérieur et Inférieur de Telsberg. Ces Châteaux de Telsberg prendront par la suite le nom du Hameau proche, Vorbourg ! Ebranlés  par le tremblement de terre de 1356. Le Château supérieur deviendra et restera la ruine que l’on peut encore observer de nos jours, Le Château inférieur servira de fondation pour ce qui deviendra la Chapelle de Vorbourg, accolée à l’ancien donjon du château : la Tour St-Anne.


La chapelle de Vorbourg reste un haut lieu religieux

De part sa situation géographique l’Armée Suisse va bien évidement y trouver son compte dans la mise en place d’un barrage dans l’axe de la Chapelle de Vorbourg, dans ce petit goulet d’étranglement.


La cluse De Vorbourg avec un petit peu de hauteur

Le secteur de  Barrage Soyhières – Hasenburg, auquel est intégré Vorbourg, rentre dans une période de planification à partir de 1936 au Bureau des Fortifications de Berne.  La 1ère barricade route est fabriquée en 1936 dans le secteur du Vorbourg, Toujours au Vorbourg, les 2 premiers bunkers seront mis en place en 1940. La globalité du 1er lot de construction sera attribuée à des entreprises régionales. La Brigade Frontière 3, viendra y renforcer ces 1ères positions avec ses propres constructions.
Le barrage dit de Vorbourg se verra affublé de 5 ouvrages d’infanterie, 1 poste de commandement, un double barrage antichar contenant une particularité extrêmement rare et un OMI. Ce barrage est le 9ème rempart depuis Bâle contre une invasion  ennemie, il a été calculé que pour y arriver il aurait fallu près de 300h! Le barrage de Vorbourg sera classé et reconnu, selon l’ADAB, d’intérêt national. Le barrage sera actif jusq’à la fin de la guerre froide. Il aura reçu, durant cette quarantaine d’années d’existence, les mises à niveau utiles et stratégiques : Canons antichar 9cm, mitr de forteresse 7,5mm (modèle 51), OMI dernière génération, filtres A/C. Il sera finalement déclasser en 1995 et encore entretenu jusqu'en 2005. 10 ans plus tard, l'APMBF3 reprendra les lieux! 

Le Barrage de Vorbourg peu après sa création et de nos jours 
On peut encore observer au haut de l'image de 47 une zone de chantier d'ouvrage
et au 2/3 de la même image le mur du barrage antichar sud du dispositif. 


Reproduit à merveille, cette maquette confectionnée par Pascal Monney 
représente les diverses positions du barrage de Vorbourg.


Bien caché des les rochers de la Cluse, 5 ouvrages de défense, leur ligne 
de défense respective, 2 barricades, 2 tyrolienne à Tétraèdres. 



C’est parti pour une petite ballade…
C’est donc sous un grand soleil que nous avons attaqué notre ballade jurassienne. C’est l’occasion, également, de retirer cette petite épée de Damoclés en prenant connaissance du Maître des lieux, Pascal Monney, qui comprendra très vite l’intérêt que nous apportons à ces ouvrages historique et approuvera note actions en nous ouvrant les portes de l’ensemble du Barrage ! Nous prendrons carrément place à bord de Suzy pour une visite de l’ensemble des ouvrages du secteur, rien que ça! L’ensemble des images intérieures a donc pu se faire avec l’aimable autorisation de Pascal Monney pour l'APMBF3, nous le remercions grandement.


Suzy, la Vaillante petite Willys

Passons donc au peigne fin, l’ensemble des « acteurs » du Barrage de Vorbourg avec notre guide privé.


A1406
Fortin d’infanterie sous roc, c’est l’un des 2 ouvrages principaux du dispositif. Equipé d’un canon antichar 9cm et de 2 mitr, établi sur 2 niveau, il défend la ligne antichar Nord dont l’extrémité Est qui prend naissance à ces pieds.  Il pouvait également accueillir 15 hommes.


image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

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image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

Oui oui, vous pensez sans doute à cet article et cet article en revoyant ces images ;-)
avec l’aimable autorisation de l’APMBF3









A1407
Pour le moment encore non rétabli, dispersé le long d'un couloir de 60m et également sous roc, ce fortin d’infanterie intégrant une position mitr et canon antichar fait face à A1406, ils se défendent donc mutuellement. La Mission de A1407 reste identique : défense de la ligne antichar Nord. Il reçoit un armement un peu plus petit : 1 canon antichar et une mitr. Il était servi par 12 hommes.



image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3






A1408
Creusé en U, toujours sous Roc, A1408 côtoie A1406 d’environs 80m. Sa seule et unique position Mitr permettait d’effectuer une mission de contre ouvrage à A1407 lui faisant face. Cet ouvrage renferme une position peu courante, implantée au bout d’une longue salle longitudinale. Il renferme également une pièce de vie et des WC, tout cela sur un seul niveau. Il pouvait acceuillir 7 hommes.



image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

Promis, un jour je vous ferais un article rien que sur la lecture d'un panorama ;-)
Image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

A1409 « Berdier Ouest »
Second ouvrage principal, A1409 est le seul bunker de l’ensemble du barrage. Il est de conception très connue et déjà évoquée dans une foultitude d’articles déjà publiés. Un ouvrage dont la partie apparente est affectée au combat et est muni d’un sous sol de même superficie affecté à la pièce de vie : Transmission, cuisine, repos. Etant hors sol, comme il est de coutume dans ce type d’ouvrage, c’est le toit de ce dernier qui effectue la captation d’eau pour le refroidissement des armes.  Les armes, parlons-en, Il renfermait un canon antichar, une position mitr et un poste d’observation central (et isolé). L’ensemble des embrasures est orienté en direction de la ligne antichar Nord. Il est bien sûr resté longtemps en propriété de la Confédération suisse. Mais surtout, ses tournus de contrôle, effectués par les Gardes-Forts, se sont ponctués jusqu’en 2012!

Au dessus de l'ouvrage, il se trouve une petite position d'observation sauvage aménagée dans la nature et permettant au soldat posté ici d'observer le moindre mouvement en provenance de Soyhères



Tout petit échantillon de ce qu'était le "réseau", ces entremêlées de barbelé
entourant les alentours direct des ouvrages.













image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

Et oui, il fallait bien passer le canon par quelques part... 
image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3



A1410
Nous nous déplaçons maintenant 160m vers le sud pour visiter la dernière position de défense du dispositif. Egalement creusé sous roc, ce dernier ouvrage renfermait au bout d’un boyaux de roche brut un canon antichar dont sa position, en dépression permettait de défendre la seconde ligne antichar, au sud.

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3

image prise avec l’aimable autorisation de l’APMBF3








A1411
A l’écart de tout « grabuge », le A1411 se situe  à la hauteur de la Chapelle de Vorbourg, haut perché. Il n’est pas un ouvrage de défense, ni un PC comme beaucoup le prétendent. De conception en U avec une double entrée, cet ouvrage renfermait un abris antiaérien pour la troupe ainsi qu'un dépôt munition.


Un omi se trouvait également sur la route menant à Vorbourg, depuis le lieu-dit "Le Mexique", Permettant ainsi de bloqué tout passage en cette direction.


Cp II/230, 1939-1945
 Quand je tombe sur ce type de sculpure ou peinture, je tente toujours de m'imaginer la
 personne ayant effectuer le travail et le contexte dans lequel tout cela s'est fait! 








A1412
Se trouvant sur la rive « Courroux » A1412, de part sa hauteur (quasi égale que A1411),  avait une mission identique à A1412. Relativement éloigné et une longue approche, nous n'avons pas eu le temps de lui rendre visite. 


Barricades 
Si vous avez bien suivi jusqu’ici, vous avez donc compris que ce dispositif de Vorbourg inclus 2 barrages antichars. Leur misssion étant de barrer/Retarder l’avancée des troupes ennemies par 2 fois. Distant  de 400m l’un de l’autre, chacun des barrages devait être aptes à barricader une route principale, une voie de chemin de fer, 2 chemins agricole. 
Barricader une route était maitrisé et facile à mettre en oeuvre : des puits disséminés sur les chemins en question permettait la pose de poutrelles ou rails afin d’édifier une barrière apte à retenir la puissance d’un char et donc, de tout autre véhicules. Les OMIS permettait également ce travail en cas de dernier recourt
Barrer une voie de chemin de fer était également maitrisé : soit elle pouvait également renfermer des puits de barricade identique à ceux présent sur les route, ou avec des systèmes plus costaud comme il est visible à Soncèboz ou encore au Bregot, soit être minée.
Il restait à maitriser les flots. FACILE me direz-vous, il était simple de mettre à mal un petit bateau puisqu’à part cela et quelques farfelus à la nage, rien d’autre ne pouvait traverser un plan d’eau de 20m de large tel que la Birse ! C’est vrai, j’aurais aussi pensez comme vous !  Mais à Berne, dans les bureau de la Fortification, 2-3 ingénieurs ont pensé à 2 cas de figure et 2 facteurs non négligeables à cet endroit !
Exposons dont les faits, les 2 facteurs sont donc les suivants:
-  La Birse n’est pas une rivière reconnue pour son débit incroyable. Ca n’est pas pour rien qu’il est rare d’y croiser des adeptes d’hydrospeed par ici!
-  La Birse n’est pas non plus reconnue pour accueillir une faune aquatique de fond marin, beaucoup de secteur flirt les 1.5 à 2.5m de profondeur, guère plus.

Maintenant, exposons les cas de figure:
- Encore une fois, grâce à son débit, et sa situation géographique, (et surtout avant l’apparition d’un phénomène appelé réchauffement climatique) Il était parfaitement concevable que la Birse gèle tout simplement, voir même carrément.
-  A contrario, il n’était pas impossible que la Birse puisse simplement être asséchée!

Les faits sont donc exposés et avérés. On se retrouve ici dans un cas de figure avec lequel on doit pouvoir barrer un élément soit solide ou liquide, soit haut ou bas ! Une solution aurait été la pose de poutrelles permanentes de 3 à 5 m de haut. Ce qui aurait causé 3 problèmes : la discrétion du dispositif (...), la libre circulation sur le plan d’eau en temps de paix et l’entravement d’un tel système par l’amoncellement de matériel charrié par les flots. Les poutrelles : fausse bonne idée ! Il viendra donc en avant avec une solution modulable et toujours amovible composée de lignes de tétrapodes (ou tétraèdres) en bétons. Avec ce principe, la modularité de la barricade de tétrapodes est parfaite pour répondre à ce problème. Il restait à trouver le moyen de poser ce matériel de manière « rapide »  et sûr, également à 10m de la rive. C’est à dire au milieu du lit de la rivière. C’est un principe de tyrolienne que sera retenu pour la pose de ces 2 lignées de tétraèdres.

Un 1er câble arrimé entre A1406 et A1407 permettra de poser le matériel de barrage sur la ligne antichar Nord.
Un second câble arrimé au mur antichar et un bloc antichar permettra de poser le matériel de barrage sur la ligne antichar SUD.

Si barrer les flot est monnaie courante (comme on pouvait l’observer par exemple à Gruyères, un tel dispositif est pour ainsi dire unique en suisse. (J’ai ouï dire que proche de Monthey, un tel système aurait également existé, mais c’est à confirmer), il en fait l’admiration de ce Barrage de Vorbourg. De nos jours les câbles sont retirés, il subsiste néanmoins leurs points d’arrimage visibles au-dessus de l’embrasure canon de A1406 et au haut du mur antichar Sud, rive Courroux. 


L'un des derniers point d'ancrage du câble encore visible dans le terrain
se trouve juste au dessus de l'embrasure canon de A1406



















OMI
Situé à une 10aines de mètres au sud de la ligne antichar Sud, à la hauteur du passage sur voie de la route cantonale, un Omi pouvait « finir » le travail de barrage : Dans sa configuration finale, lorsque le Dispositif des Explosifs Permanent 75 fut implanté, l’OMI aurait  pulvérisé la route et obstrué la voie de chemin de fer à l’aide de 5 puits de minages. Aujourd’hui, cet omi n’existe plus, seul, les raponces de bitumes permettent encore vaguement de localiser leurs emplacements.  Google maps à d’ailleurs capté la fin de ces travaux de démantèlement des puits. Il se trouvait également à cet endroit un dépôt contenant du matériel de barrage destiné  à la barricade de la route cantonale se trouvant sur l’axe de la ligne antichar SUD tout cela à maintenant disparu.










Ce barrage fût vraiment intéressant à décortiquer! Sur 5 ouvrages, on retrouve divers procédés de fabrication (galeries, Bunker) différente finition (bruts, gainées), et des constructions parfois atypiques (couloir longiligne tel que le A1407 ou la position mitr de A1408) ou encore ces fameuses tyroliennes! Que de belles surprises! 

Encore un énorme merci à Pascal pour sa confiance et à Denis, pour sa disposition, qui n’a pas hésité à se muer en guide personnel  et nous mener à bon port dans une joie et une bonne humeur toute Jurassienne. N'hésitez donc pas à les contacter afin qu’ils vous guide également dans ces entrailles historiques!! Il est même possible d'y organiser des soirées fondues ;-).



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