lundi 28 septembre 2020

Les Soldats Polonais à la solde de l'Armée Suisse?

Le 18 juin 1940, dans le Jura. La Bataille du Clos du Doubs bat son plein. Il est 16h, Maîche une petite bourgade française se situant à 10km des Postes-Frontière de Biaufonds et Goumois, vient d’être capturée par la Weichmacht.


Intégrée dans le 45ème corps d’armée de Forteresse du Général Daille, afin de défendre (brillement) la Trouée de Belfort dès début juin 1940, La «2. Dyw. Strzelcow Pieszych»  (2ème Division Polonaise de Chasseurs à Pied)  se retrouve acculé à la frontière Suisse avec un assaillant de taille et plus la moindre munition, bloquée dans cette petite poche.


Blason de la 2. Dyw. Strzelcow Pieszych
Blason de la 2. Dyw. Strzelcow Pieszych

La nuit du 19 au 20 juin 1940, le 45ème corps d’armée du Général Daille, le 7ème régiment de Spahis Algérien et  la 2ème Division Polonaise de Chasseurs à Pied traversent la frontière dans le but de profiter de la neutralité du sol Helvétique et des accords lié entre les 2 pays en cas d’invasion.   Ce ne sont pas moins de 42600 soldats qui passeront la frontière, principalement à Goumois, Biaufond, La Motte (sans compter les divers témoignages de traversée du Doubs à la nage, de passage via les prises d’eau d’usine électrique, …) 


Des internés arrivent à Saignelégier depuis Goumois
après un parcours de huit kilomètres
(photo collection famille Cachot, Hôtel du Doubs, Goumois)
source: https://www.gilbertedecourgenay.ch)


Désarmement des troupes à la Frontière de Goumois 
(photo collection famille Cachot, Hôtel du Doubs, Goumois)
source: https://www.gilbertedecourgenay.ch


Plaques commémoratives scellées au mur 
de la Douane Suisse de Goumois 


Le passage stratégique du pont de Goumois 
Qui le restera d'ailleurs après la guerre: les 2 puits  de minage de 
l'Omi l'atteste. 


La Frontière matérialisée par le Doubs, à gauche la France, à droite la Suisse
au fond de la vallée, le pont de Biaufond, accès en territoire neutre convoité 
durant la la Seconde Guerre Mondiale. 

Toujours selon les accords passés entre les 2 pays, les éléments du 45ème Corps d’Armée et du 7èmeRégiment de Spahis seront progressivement redirigé et rapatrié en France non occupé suite à une courte période d’internement.  Ces accords ne concernent pas le rapatriement 12500 soldats polonais qui resteront sur sol suisse jusqu’à la fin de la guerre. Ils seront internés sur différents camps dispatchés sur l’ensemble du territoire suisse et seront appelé à effectuer divers travaux permettant de combler le manque de main d’œuvre lié à la Mobilisation des Soldats Suisse :   

-       - Constructions de routes diverses (dont le Col du Susten) 

-       - Travaux des champs, irrigation, asséchement, 

-       - Coupes de bois 

-       - Extractions de minerais 

-       - Tourbières

-       - Pose de voies de chemin de fer (Reverolles, Saillon, Tessin)

-       - Pose de canalisation (Mt Gibloux,  Signale de Bogis,...) 

-       - Construction d’ouvrages de défense

-       - Participation au Plan Wahlen 


Internés au repos 
Source: http://www.fondationahp.ch 


Internés au travail 
Source: http://www.fondationahp.ch 


Plaque commémorative au Mont de Marsens
(merci à P. pour sa localisation :-).  ) 

De ce fait, il n’est pas rare de pouvoir tomber sur un « Chemin Des Polonais » ou l’une des nombreuses plaques commémoratives dédiées aux Soldats Polonais au travers d’une balade sur sol suisse.  Le peuple  et les autorités Suisses ont su accueillir ces soldats Polonais qui n’ont jamais rechigné à mettre la main à la pâte et leur porte hommage.

Parmi le réseau Route / Chemin construit par les Soldats Polonais. Celui des Gorges de Torrent (ou Mury… ou encore La Chenau Ferrée) est autant peu connu qu’énigmatique.
On se retrouve ici sur les contreforts de Lessoc, on sait que cette route a été construite dans les années 40 et voici ce que Jean-Pierre Dewarrat développe à son sujet dans le Fascicule Pro Fribourg de juin 1996 : 

le «Chemin des Polonais»
Niché dans le vallon du Torrent, à la hauteur de la Chenau Ferrée, cet ouvrage est intéressant à plus d'un titre : insertion topographique et gabarit traditionnels, profil en demi-voûtes, tunnel taillé à même le roc, murs de soutènement, ponton, gué, revêtement naturel, tout cela lui confère un cachet singulier. Au départ, une inscription garde le souvenir de ses constructeurs, les internés polonais. Quoique de création relativement récente, ce chemin possède de réelles qualités méritant conservation et entretien : qualités historiques en premier lieu, puisqu'il témoigne en soi d'une page tourmentée de l'histoire et qu'il s'inscrit au loin comme le maillon gruérien d'une longue chaine helvétique ; qualités esthétiques, ensuite, en raison de son insertion topographique et de la variété́ de son profil. Lové dans ce fond de vallon enforesté.

Si on en connait maintenant un peu plus sur l’origine des bâtisseurs de cette route.  Je ne suis pas certain que l’on puisse en dire autant de son mandataire et sa fonction.  Car oui, cette route mène … à nul part. Et même s’il fallait occuper des soldat Polonais, je pense qu’en période de seconde guerre mondiale, il y avait autre chose à faire que de bâtir une route «au gabarit » (ce qui veut dire qu’un véhicule d’une certaine taille de l'époque pouvait passer sans encombre) serpentant au fond d’une gorges et débouchant à nulle part. On pourrait aussi se dire que le projet n’a jamais abouti et que le chantier a stoppé à la fin de la guerre. Oui, sauf que si le projet devait mener plus loin, même si elle aurait eu le devoir de relier le chemin du Tofé… (non présent dans les années 40) ça resterait du non-sens. 


Situation du "Chemin des Polonais" cartographié en 1949

Alors un jour une probabilité s’est glissée à mon oreille, Celle d’une route d’accès permettant d’acheminer du matériel de construction. De là, plein d’hypothèse peuvent surgir, mais il pourrait être possible que cette route ait été construite dans le but de pouvoir acheminer du matériel à un petite station de téléphérique provisoire qui aurait ensuite permis de hisser cette marchandise sur les alpages du secteur de la Bra… pour la construction des bunkers du secteur.   Je n’ai aucun moyen qui me permette d’étayer cette probabilité, que ce soit par l’étude d’images ou documents de l’époque et encore moins d’images aériennes de 1941 (date de construction des ouvrages) qui pourrait nous permettre de localiser une station amont et un cheminement de celui-ci aux divers lieux de construction.  Tout témoignage ou archive à ce sujet est le bienvenu. 

Projection hypothétiques de tracés téléphériques


Quoiqu’il en soit, les traces de cette route sont toujours là, et si le temps commence malheureusement à faire son travail, on peut toujours apprécier le travail mise en œuvre à cet endroit suite aux passages des Soldats Polonais. En voici quelques images: 

Km 0.00: Une croix montée sur une sculpture symbolise le départ du chemin. On retrouve à sa base, une annotation commençant par "Souvenir..." le reste a souffert avec les éléments. je ne sais donc pas si cette annotation est cette inscription relatée par M. Dewarrat dans ses propos. 







Murs de soutènement, bonne largeur de route, roche creusé haut, il n'y avait pas le moindre problème à faire passer des véhicules à cet endroit. 





Km 0.360: Passage d'un tunnel qui est cette au gabarit d'ancien véhicule, ici, ca 
passe encore et toujours. 










Km 0.470: Souvent, lorsque le garde fou est matérialisé par des pieux et des câbles, il arrive fréquemment que les câbles utilisé à l'occasion ont eu une fonction dans le secteur. Est-ce le cas ici? 










Km 0.750: Au 3/4 du parcours, on tombe étonnement sur un ancienne construction. Simple bâtisse qui ne renferme aucune trace d'un usage passé. Petit dépôt? Abris forestier? Corps de garde? Cette bâtisse avec bien une fonctions à l'époque, mais laquelle. J'ai néanmoins la certitude que celle-ci avait un lien avec cette route. 









Km 0.800: Le passage de ce pont nous fait passer sur l'autre rive du Torrent. On observe que ce pont n'est pas d'époque. Une fois passé sur l'autre rive et après avoir traversé un menu pierrier, nous retrouvons un chemin dégagé, propre et toujours renforcé, malgré un rétrécissement. 









Km 0.960:  Nous déboucherons finalement sur une rive dégagée, quelques pierres et un ultime renfort de rive en béton armée. Tout s'arrête ici, dans l'inconnu. 


5 commentaires:

  1. Merci pour ce nouvel et excellent article !

    J'avais demandé quelques informations concernant cette route auprès de la commune du Haut-Intyamon et l'on m'avait répondu qu'elle devait servir "officiellement" à "l'exploitation forestière".

    Vrai ? Faux ? Prétexte ? Le mystère, une fois de plus, reste entier.

    Voir aussi sur : https://www.hikr.org/tour/post131860.html

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonsoir Christian.

      Tout hypothèse est intéressante à étudier. Ce qui fait le charme de ce "dossier"
      Merci.à vous pour ces informations et votre passage par ici :-)

      Supprimer
  2. Bonjour TeeOne,
    Cette réflexion est pleine de bon sens et je m'associe à l'idée du téléphérique... bien que mes recherches n'aient pas pu aboutir non plus !
    Je vais continuer mes reconnaissances sur place et tenterai de trouver un interlocuteur parmi la population des environs.
    Peut-être que nous aurons l'occasion de nous croiser dans le secteur.
    A bientôt je l'espère.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Thierry,
      Merci pour votre commentaire :-). En effet, nos promenade nous mènes parfois à de jolis rencontre.
      (P.P. vous a-t-il transmis mes salutations? ;-) )

      Supprimer
  3. Bonjour,

    je suis tombé sur ce chemin lors d'une journée de parapente, son emplacement avait piqué ma curiosité sur la carte. Après l'avoir parcouru. je le quittai avec plus de questions que de réponses.

    Votre article n'en apporte pas beaucoup, mais j'en ai tout de même beaucoup appris. Merci!

    RépondreSupprimer